FJK 124
Tura Cosmè (attribué à) (ca. 1429/30-1495)
Le Christ à la colonne
ca. 1460, selon Ruhmer
226 x 188 mm
Technique
Plume et encre brune sur traces de craie noire. Rehauts au pinceau et lavis d'encre brune. Traces de sanguine.Plume et encre brune sur traces de craie noire. Rehauts au pinceau et lavis d'encre brune. Traces de sanguine.
Estampille, non identifiée par Lugt, sur le papier support "D.H.H.F."
Provenance
Collection D.H.H.F.
Vente anonyme, Hollstein & Puppel, Berlin, 31 oct.-2 nov. 1929, lot 101 (ill.) (comme école de Padoue, XVe siècle, proche de Mantegna)
Collection Mr. and Mrs. David Felix, Philadelphie
Vente, Christie's, New York, 12 janvier 1988, lot 64 (comme "Bernadino Parentino")
Collection Jan Krugier, Monaco, JK 4427
Fondation Jan Krugier
Bibliographie
FIOCCO G., "Un affresco di Bernardo Parenzano" Bolletino d'Arte, III, ser 3,25, 1931-32, p. 436 (comme "Parentino");
BYAM SHAW J., A Lost Portrait of Mantegna and a Group of Paduan Drawings, Old Master Drawings IX, 1934-35, p. 3 (comme "Parentino");
LONGHI Roberto, Ampliamenti nell' officina Ferrarese, Supplemento all'anno IV La Critica d'Arte, Florence, 1940, p. 5 (ill.) (comme "Tura, ca. 1470");
SALMI, M. "Cosmè Tura", Milan, 1957, p. 55 (cercle de Carlo Crivelli?);
RUHMER Eberhard, Tura, Paintings and Drawings, Complete edition, London, Phaidon Press, 1958, no 5, pp. 169f (ill.) (comme "Tura, ca. 1460");
MOLAJOLI Rosemarie, Cosme Tura e i grandi pittori ferraresi del suo tempo, Rizzoli Editore, Milan, 1974, p. 91, no 59 reproduit (comme "Tura");
LONGHI Roberto, "L'atelier de Ferrare", Brionne, 1991, pp. 131-132.
Expositions
Kupferstichkabinett, Staatliche Museen zu Berlin - Preussischer Kulturbesitz, Berlin, Linie, Licht und Schatten. Meisterzeichnungen und Skulpturen der Sammlung Jan und Marie-Anne Krugier-Poniatowski, 29.05-01.08.1999, cat. 6, p. 24; reproduction couleur p. 25;
Peggy Guggenheim Collection, Solomon R. Guggenheim Foundation, Venise, The Timeless Eye. Master Drawings from the Jan and Marie-Anne Krugier-Poniatowski Collection, 03.09-12.12.1999, cat. 7, p. 26; reproduction couleur p. 27;
Museo Thyssen-Bornemisza, Madrid, Miradas sin Tiempo. Dibujos, Pinturas y Esculturas de la Coleccion Jan y Marie-Anne Krugier-Poniatowski, 02.02-14.05.2000, cat. 5, p. 38; reproduction couleur p. 39;
Musée Jacquemart-André, Paris, La Passion du dessin. Collection Jan et Marie-Anne Krugier-Poniatowski, 19 mars-30 juin 2002, cat. 4, p. 30; reproduction couleur p. 31;
Kunsthalle der Hypo-Kulturstiftung, Munich, Das Ewige Auge - Von Rembrandt bis Picasso. Meisterwerke aus der Sammlung Jan Krugier und Marie-Anne Krugier-Poniatowski, 20.07-07.10.2007, cat. 4, p. 24; reproduction couleur p. 25.
Notes
Ce dessin est l'un des plus importants de toute la collection. Son intérêt provient de son image puissante qui élimine tout détail superflu et se concentre sur la représentation d'un corps meurtri, symbole de la souffrance humaine; l'ambiguïté de l'iconographie et les difficultés d'attribution, enfin le rôle déterminant que joue le dessin en tant que lien stylistique entre les artistes d'Italie du Nord et les aspirations de ceux au Nord des Alpes contribuent à renforcer cette dimension.
C'est cette dernière caractéristique ainsi que la qualité intrinsèque du dessin qui permettent à Roberto Longhi d'attribuer ce dessin à Tura, qui plus que tout autre de ses contemporains s'intéresse au développement des écoles nordiques et en fut très proche d'esprit.
Ce grand universitaire ne donne cependant aucune explication à cette attribution: "Nul doute que Tura ne perdait pas de vue ce que faisait alors Roberti, de plus en plus subtil et complexe; mais il l'imitait sans rien perdre de l'ancienne puissance de son trait, déjà affilé comme une arme blanche dans ses magnifiques dessins - par exemple ce Christ à la colonne (ou peut-être un saint Christophe), dessin à la plume qu'on peut situer vers 1470 et qui prélude à Cranach ou Grünewald. Il apparut comme œuvre padouane dans une vente de 1929 à Berlin..." (R. Longhi, 1991).
Le nom de Marco Zoppo, suiveur de Tura et de Mantegna vient également à l'esprit. Notre feuille est plus proche par sa technique de celle de Tura, mais ses hachures seraient plus longues et plus puissantes. En observant le thorax et le sternum, on constate que l'auteur de ce dessin se préoccupe davantage de l'effet produit sur le visiteur alors que Zappo s'intéresse exclusivement à l'anatomie. Certaines caractéristiques - la forme du thorax, le modelé de l'estomac en forme de ballon, la minceur du bras, les hachures croisées typiques et les larges zones de lumière qui contournent les zones d'ombre -, ont amené Byam Shaw, après les essais de publication antérieurs de Paul Wescher, à rapprocher cette image d'un groupe de près de trente autres dessins. Considéré comme très hétérogène, ce groupe réunit des pièces de qualités très différentes parmi lesquelles la feuille de la collection Krugier-Poniatowski [Fondation Jan Krugier] est, sans aucun doute, la plus belle. Quoique ces disparités ont créé un malaise, elles ne nous permettent pas de démanteler cet ensemble; la forme des jambes, des pieds ou des vêtements, peut être ajoutée à la liste des éléments qu'ils ont en commun. Alors que des tentatives d'attribution de certains dessins à Liberale da Verona ont échoué, une attribution du groupe entier à Bernardo da Parenzo, dit Parentino, d'après son lieu de naissance, Parenzo (ou Porec) en Istrie, semble plausible. Actif dans plusieurs villes d'Italie du Nord telles que Venise, Padoue et Mantoue, il subit l'influence de Mantegna, de même que celle des Ferrarais, dont Tura est le membre le plus éminent.
Indépendamment de Byam Shaw, cette feuille avait déjà été attribuée à Parentino par Fiocco. Il n'est pas étonnant que l'autre comparaison fut établie avec le Mercure de Bayonne, conservé au Musée Bonnat (inv. 1250; Bean, 1960, n°59). Des traits de plume similaires marquent ses genoux, alors que le traitement des cheveux rappellent le Saint Sébastien de Vienne (inv. 2580). L'identité du personnage représenté est difficile à établir car les symboles habituels de son martyre manquent : Fiocco et Byam-Shaw l'identifient à saint Sébastien, Salmi et Longhi à saint Christophe et Ruhmer comme pendant du Mercure conservé au musée de Bayonne. Quoique le réalisme du corps, le traitement des cheveux couvrant la figure à l'exception du bout du nez et de la bouche soient inhabituels, la suggestion la plus ancienne, figurant dans le catalogue de 1929, paraît être la plus réaliste, à savoir le Christ à la colonne, bien que le cercle qui entoure ses cheveux ne soit pas une mandorle.
Quoi qu'il en soit, le charme qui émane de cette feuille est dû au contexte artistique, à son énergie, à sa recherche expressive, à l'originalité de la ligne, plus proche des écoles du Nord et plus tard de l'expressionnisme des écoles danubiennes que de tout autre école italienne. Déjà Longhi avait décrit en son temps cette feuille comme annonçant Cranach et Grünewald.
Matthias Weniger, La Passion du Dessin, Musée Jacquemart-André, Paris 2002, pp. 30-31
Demande d'information/de prêt
La Fondation Jan Krugier se consacre au rayonnement de la collection de dessins en prêtant régulièrement des œuvres pour des expositions. Les demandes de prêt devront comporter une présentation complète du projet.