Tiepolo Giovanni Battista (1696-1770)

Notes (1)

J.J. Byam Shaw, dans une lettre datée du 4 juin 1961, Londres, écrit que ce dessin a probablement été exécuté par Giovanni Battista Tiepolo.

Notes (2)

Après Véronique, Venise. La fête à la peinture, admise dans ses droits, toute-puissante, jouissant de ce savoir nouveau qui lui est désormais reconnu. Et, donc, Tiepolo, l’immense Tiepolo, avec son plaisir de voir poussé jusqu’au trompe-l’œil, son ivresse de vérité tirée jusqu’à l’artifice, son audace, ses insolences, ses scènes d’amour, de rapt, d’extase et, ici, cette main, une main gauche, la main du diable, la main pour rien, la main qui, contrairement à celle qui peint, ne fait rien qu’être main et, ici, être peinte – la main qui, d’ailleurs, a presque honte de ce simple être-main et, du coup, se replie, se recroqueville, le petit doigt initiant le mouvement, les autres l’imitant. Tiepolo a produit, en soixante ans de métier, plus de 1 500 dessins. Il a dessiné des têtes, des dieux et des déesses, un archevêque et des prostituées, des scènes de la vie vénitienne, des perspectives et des plafonds célestes, des caricatures et des gloires, des Polichinelles, des vieillards. Mais guère d’anatomies. Et encore moins – j’ai beau chercher – de mains. Une main quelconque, alors ? La main d’un ami de passage, d’un modèle ? La main de Giandomenico, son fils, qui fut aussi son aide, son double et, en quelque sorte, sa main gauche ? L’œuvre de Tiepolo ne fut-elle pas une œuvre à deux mains : la main droite du père, en majesté et grande signature -  la main gauche du fils, la main qui se rétracte, se révolte, mais sans aller jusqu’à se dérober à sa tâche aux ordres du grand Autre ? Ou bien, encore, la sienne ? Sa propre main d’homme, dont s’émerveille sa main d’artiste ? Ou même sa main d’artiste sur le point, comme la peinture de l’âge qui commence, de s’emparer du monde et de le penser ? Avec la main, les hommes ont écrit des lois, élevé des palais, construit des temples, caressé des corps, façonné des lyres et des poteries, fait des outils. Voici venu l’âge d’or de la main, celui qu’annonçaient les prophètes quand ils nommaient du même mot la connaissance et la main. Voici un peintre qui, anticipant sur un célèbre philosophe des siècles à venir, s’exclame : « j’ai pris le monde dans mes mains – et j’ai dit : j’en répondrai ».

Bernard-Henri Lévy, Les Aventures de la vérité, op. cit., p. 226